Cinq bras se lèvent, et cinq doigts appuient en même temps sur les bracelets collés à nos poignets.
***
Analyse des capteurs de Santé en cours…
Évaluation…
– Sabre 1-1 : LTN. Hans Schneider
– Sabre 1-2 : ADC. Dario Speranza
– Sabre 1-3 : SCH. Pío Acebes
– Sabre 1-4 : CCH. Jacek Waszczykowski
– Sabre 1-5 : « Agent Luciole »
***
Quatre paires d’yeux se tournent vers moi. Quatre hommes armés, gilets pare-balles au-dessus de leurs sweatshirts et hoodies à capuches, jambières métalliques au-dessus de blue jeans et de joggings, cagoules passe-montagne camouflant le visage. Quatre gaillards tout étonnés de la soudaine alerte dans l’oreillette de leur Module de Combat Intégré.
C’est le sergent-chef Acebes qui ricane le premier :
« Bah alors, Luciole, on vérifie pas son matériel avant de partir en mission ?
– Superviseur, dit soudain le lieutenant Schneider en changeant de fréquence, une main sur son oreillette. On a un problème technique ici.
– Scheiße… Grommelle une voix métallique d’un homme qui a la chance de nous surveiller à quatre milliers de kilomètres d’ici. Très bien… Attendez un instant. Je règle ça.
– On est en train de laisser passer notre fenêtre mon lieutenant, se plaint l’adjudant Dario, beaucoup trop anxieux pour son bien.
– Du calme. Il nous reste encore cent-quatre-vingt secondes, au moins.
– Là, ça devrait aller mieux?
***
Analyse des capteurs de Santé en cours…
Évaluation…
– Sabre 1-5 : « Agent Luciole »
***
« C’est parfait, superviseur.
– Gott mit uns… Très bien… Préparez-vous à l’exécution.
– Faut vraiment qu’on arrête d’acheter Chinois, ricane Acebes.
– Fait gaffe avec ce genre de propos.
Tu sais bien qu’on nous écoute. »
Bizarrement, cela ne fait qu’agrandir encore plus le sourire d’Acebes. Il prend trop la confiance – c’est vrai, il y a du beau monde qui nous écoute. Des coordinateurs du renseignement, c’est certain ; Mon supérieur direct, surtout. L’EurIntFor est trop récente, on a beaucoup à prouver. Aujourd’hui n’est vraiment pas un jour pour merder.
« Cargo toujours en route ?
– Il sera sur votre ATH dans trente secondes.
– Trente secondes…
– Démarrez les moteurs. »
On s’est trouvés l’endroit parfait pour se poster : Une espèce d’ouverture en travaux sur l’autoroute, avec de la caillasse et un début de forêt. On est en pleine nuit, alors personne n’est là pour bosser, pas même les machines automatisées : On est à l’entrée de Baltimore, et ça va faire quatre jours que la ville tourne au ralentis, la faute à une grève géante et à des émeutes. Ça brûle dans le centre-ville, alors personne en a rien à foutre de ce qui se passe sur l’autoroute. Pourtant ça continue de circuler. Des tas de voitures et des camions de fret qui vont à pleine vitesse. C’est assez impressionnant à voir, d’ailleurs : Sur les autoroutes européennes on a plus que des véhicules automatisés et électriques qui empruntent les routes, et encore, c’est devenu rare, on préfère mettre des trains partout. Ici, aux States ? L’automobile existe encore. À côté des Teslas flambant neuves, on croise encore pas mal de vieilles Ford et Chevrolet à essence. Tant que le Canada continue de faire de la fracture hydraulique, les ricains continueront de cramer du pétrole. Ensuite ? Bah ensuite la guerre civile. On y est presque.
On a pas échappé à la règle. On est censés être incognito. Waszczykowski et Speranza sont tous les deux sur des motos, des grosses cylindrées 1000cc, tandis que moi et les deux autres on est embarqués dans un SUV Suzuki, dont on a renforcé à la va-vite le pare-choc et les vitres. Que des véhicules volés, modifiés et achetés à des « gitans », du moins ces gitans ricains qui se sont mis à apparaître quand Walmart et Amazon se sont amusés à petit à petit tuer toutes les villes rurales américaines, et que l’exploitation du gaz de schiste a ruiné les eaux et les sols de chez eux. Hé, au moins, on a bien utilisé le budget du contribuable européen : Il semblerait que c’est la seule chose qu’on ait encore pour nous, sur le Vieux Continent, notre monnaie. On a bien fait d’empiler des réserves d’or pendant des décennies.
« Cinq secondes.
– Il est affiché sur votre ATH, c’est à vous.
– Jésus, Marie, Joseph, protégez-nous. »
C’est Acebes qui est derrière le volant. Il a sorti son crucifix d’autour de son cou, et l’a posé sur le rétro’ avant, pour l’embrasser du bout de ses lèvres. Sa soudaine profession de foi me met passablement mal à l’aise, sur la banquette arrière, mais j’ose rien dire.
Je suis entourée de quatre gros cathos. Difficile de progresser dans l’armée sans être un gros catho de nos jours, c’est devenu une condition aussi importante que celle de parler français. J’ai de mauvais souvenirs avec ces gens-là.
Sur mon ATH, grâce à la puce qu’on a collé à ma rétine, je vois un petit point vert se déplacer. Le camion qu’on est censés péta. Un automatisé. On suit le cargo qui a été embarqué depuis maintenant six semaines, quand le Guoanbu l’a marqué comme colis suspect sorti d’une entreprise Japonaise. Ah les Chinois et les Japonais, une grosse histoire de haine : Sauf que ça a suffisamment chauffé les oreilles de l’EurIntFor pour qu’on nous dise qu’il faut le tagger. Il s’est retrouvé à débarquer à Long Beach, côte ouest des yankees, et a fait un sacré bout de chemin, durant lequel on l’a pas lâché grâce au réseau satellitaire Chinetoque. Le Guoanbu nous a fait un gros cadeau sur ce coup là, on apprécie : On pense que c’est de la haute-technologie qui peut intéresser les entreprises du Pacte de Hambantota.
On est partis en avion de Saint-Pierre-et-Miquelon. C’est super sympa Saint-Pierre-et-Miquelon : Un tendre trou paumé de sept mille habitants, la présence militaire européenne c’est genre trente gendarmes qu’on a embêté en faisant les cons, ivre morts, y a trois semaines – mais il faut avouer, la cuite c’est un sacré moyen de renforcer les liens, vous l’admettrez. On a débarqué au Canada, et on a prit nos cinq fausses identités de Canadiens pour franchir la frontière par le Vermont : ça va, la frontière Canada-USA c’est pas la mer à boire, en fait les Canadiens ont plutôt du soucis à contrôler les ricains qui veulent fuir chez eux, pas le flux dans l’autre sens. Et puis, c’est pas la frontière Mexicaine : D’ailleurs ça va faire trois mois qu’El Paso est sous le contrôle de la Garde Nationale, ça doit faire chier tous les travailleurs frontaliers, ça encore. On se demande quand est-ce que la Maison Blanche va envoyer ses tanks pour contrôler Juárez. Mais je me perd. Vous avez qu’à regarder EuroTV comme tout le monde, ils vous expliqueront mieux que moi.
« Tu penses à quoi la Luciole ? »
Acebes me fait chier. Je lève le museau pour le regarder un instant.
« J’observe la route.
– Tu devrais mettre ta ceinture ma puce, ça va secouer. »
Il a raison. Je me boucle contre la banquette arrière, tandis que je tire du sac de sport le fusil d’assaut que plus personne n’a la prétention de camoufler – Les USA c’est pas l’endroit le plus compliqué pour traîner des armes à feu. Les flics qu’on a croisé sur la route cherchaient de la drogue, pas des flingues. De toute façon les flics font jamais chier les gens qui ont des flingues, ils sont pas cons.
Les flingues on les a achetés sur place de toute façon. Remington FCW avec viseur point rouge, poignée tactique et tout un tas de merde sur les rails qui devraient vous rappeler quelque chose si vous jouez à Call of Duty. Je vous avoue que les flingues ça m’a jamais intéressée. C’est un flingue, ça tire, c’est tout ce qu’on lui demande. J’ai d’autres jouets franchement plus marrants sur moi. En moi, plutôt. Heureusement que les aéroports Canadiens ont pas mis leur sécurité à jour : Je devrais sonner quand je passe sous un portique.
« Ok, ok on y est presque… Préparez-vous... »
Les deux motards font ronronner leurs cylindrées. Acebes ferme son clacos et se concentre derrière le volant.
« Attendez… aaaattendez…
Maintenant, pied au plancher ! »
Le camion passe juste devant nous. Un électrique, autonome, six roues, moderne et métallique. Il a l’air lourd et encombrant : Y a sérigraphié « ARTEMIS SECURITY » sur le côté, donc on sait que c’est sérieux. Heureusement on était au courant.
On fonce à fond la caisse en surgissant de la sortie d’autoroute, en pleine nuit illuminée par les néons des panneaux publicitaires du bord de la route, ceux qui recommandent une nouvelle boisson gazeuse beaucoup trop sucrée et un centre de sport rempli de gens beaux gosses sur celui d’après – cherchez l’erreur. Les deux motards vont chacun d’un côté du camion. Le SUV, lui, boost tout ce qu’il a pour le dépasser, et faire une queue de poisson juste devant. Je me retourne et donne un énorme coup de poing dans la vitre : Mon poing métallique la fait exploser d’un coup. Je dépasse mon bras : Mes doigts se rétractent sur eux-même, et l’ATH me permet d’accéder au boîtier de contrôle du véhicule.
Artémis Security a vraiment besoin de faire des mises à jour. J’y crois pas. Un putain de cargo sensible qui a été acheminé par des mercenaires vétérans de la guerre d’Égypte depuis le Japon à travers Phoenix, la ville des cartels, et j’arrive à déjouer leur sécurité en quatorze secondes chronos. Ils devraient engager un peu plus de geeks à lunettes et un peu moins de gros bras, si vous voulez mon avis. Je vois les visages des deux gardes de sécurité sur les sièges avant : Ils écarquillent leurs yeux tandis qu’ils dégainent leurs pistolets des holsters. Ils devaient être en train de somnoler, laissant leur camion rouler tout seul, bercés tranquillement par la route… Là je viens de troubler leur nuit, les pauvres chouchous.
Je force les freins du camion à donner tout ce qu’ils ont, et le volant à soudainement tourner à droite. Pour un véhicule qui roule à 150km/h (Pardon : 93 miles per hour, faut que je me mette à l’heure locale), c’est un mauvais calcul. Le camion pille, se retourne, fait un magnifique roulé-boulé. Les bécanes ont l’intelligence de s’éloigner avec toute l’agilité des motards qui les chevauchent. Un accident impressionnant alors que le camion fait une sortie de route, et va s’écraser juste contre des arbres, avec une telle violence qu’il couche un sapin.
On se gare tous sur la bande d’arrêts d’urgence. Acebes siffle et hurle de joie : « Oh oué, on dirait un film ! » On pose les pieds sur l’asphalt, et on se jette en avant, en position de combat, fusils contre épaules. On se jette hors de l’autoroute et on s’avance près des décombres fumants.
Le camion est totalement retourné. La portière du conducteur s’ouvre. L’un des gardes d’Artémis sort en titubant, le visage dégoulinant de sang, fracture ouverte au bras : on voit l’os sortir de son coude. Il est braqué par deux fusils qui allument les lampes torches accrochées aux rails Picatinny, et entend Waszczykowski lui hurler dessus avec un fort accent polonais :
« Down ! Get down bitch ! Down, down ! On the fucking ground ! »
Il a le regard exorbité, totalement terrifié. Comment le lui reprocher ? Il titube en avant avant de s’écraser par terre, sa main encore valide en l’air. Le Polonais s’approche et lui braque le flingue vers sa tête, tandis que Speranza va dans la cabine retourné. Il donne un coup de son canon dans le crâne du conducteur : Celui-ci bouge dans tous les sens, comme un jouet bobblehead.
« Il se relèvera pas.
– Pertes acceptables.
– Vous venez de frapper dans une putain de fourmilière. Même le siège social d’Artémis à Houston est prévenu.
– Qui vient pour nous ?
– Police d’État du Maryland, comtés de shériff de Hanover et Elkridge.
– C’est bon, vu comment Baltimore est en train de cramer, je pense que la Police d’État a déjà bien assez à faire.
Sabre 1-4, sécurisez le survivant. Sabre 1-3 en protection. 1-2, avec moi.
Ouvrons le paquet surprise de Luciole. »
On parle en français. Le pauvre type survivant, s’il est encore capable d’audition, s’il est pas trop sonné, doit rien comprendre à ce qui se passe.
L’avantage des voitures automatisées, c’est qu’elles s’arrêtent pas pour un accident. Il n’empêche Acebes remonte sur la bande d’arrêt d’urgence, fusil d’assaut ostentatoire en main, histoire de convaincre ceux qui voudraient aider leur prochain en sautant pour aller voir les décombres comprennent qu’il est plus prudent pour eux de continuer de rouler jusqu’à Baltimore.
Je décide donc de suivre le lieutenant et Speranza en contournant le camion. Ils pointent tous les deux leurs flingues sur la porte arrière. Moi j’approche ma main gauche. Je colle mes doigts à l’épaisse porte, et mes yeux se révulsent pour n’afficher plus que du métal derrière mon globe : J’essaye de voir si je sens quelque chose pulser là derrière.
« Trois gardes de sécurité en vie à l’intérieur. Un mort. Grièvement blessés. Fusils d’assaut. Équipement lourds.
Pas de masques à gaz.
– Lacrymo. »
Ils s’écartent des portes pour aller de chaque côté du camion. Speranza sort une grenade. Moi je m’approche d’un côté du véhicule. Mon bras pivote à 90°, et je sors une flammèche bleutée à la chaleur assez puissante pour faire fondre du blindage : j’y découpe un tout petit carré. On entend alors les gardes à l’intérieur se mettre à hurler, leurs cris légèrement étouffés par l’acier de 15mm.
« They’re getting through !
– Motherfuc- »
Ils se mettent à tirer, bien inutilement. Les balles ricochent de l’intérieur. Speranza dégoupille la lacrymo et la balance à l’intérieur, puis reprend son fusil d’assaut et se tournent.
Et là, il s’agit plus que d’attendre, lâchement.
Attendre que le gaz imprègne bien la totalité de la carcasse du véhicule.
Attendre qu’on entende les gars à l’intérieur se mettre à tousser toute la morve de leurs poumons, s’étouffer, et tenter malgré tout de résister.
C’est des mercenaires. Ils ont appris à résister. On a certainement dû leur faire ça à leur bizutage : Les foutre dans une pièce remplie de lacrymo, et les obliger à réciter quelque chose – un code d’honneur, une connerie de ce genre – alors même qu’ils se sentent mourir, plongés en apnée.
Mais tous les êtres humains ont leur limite. Tous. Nous on attend juste avec anxiété, bercés uniquement par leurs quintes de toux, et les bruits des voitures qui continuent de rouler sans trop ralentir le long de l’autoroute.
Allez. Allez dépêchez… Dépêchez vous de crever.
Ils ouvrent grand les portes et sortent à l’extérieur, fusils à la main. Mais aucun d’entre eux ne survivra. Schneider et Speranza n’ont qu’à lever leurs armes et tous les cribler de balles, un par un. Je ne participe pas à cette curée. C’est pour ça qu’on m’a foutu des gars des Forces Spéciales, pour faire le sale boulot. Ils tuent froidement, professionnellement : Pas plus de trois balle pour chacun des gus. L’épaisse fumée de la lacrymo sort du camion alors que je m’en approche.
« Je passe sur ma réserve. »
Je sens, intérieurement, mes voies respiratoires se fermer. Et un second souffle prendre le relai. Je ne respire plus l’air de l’extérieur : J’ai de quoi tenir un bon quart d’heure dans mon abdomen. Je remarque alors Speranza se signer, faire le signe de la croix comme le catholique qu’il est.
« Putain… T’es vraiment humaine, au moins ?
– Bouclez-la, 1-2. »
La lacrymo n’a aucun effet sur moi. Aucune larme, aucune toux, rien. J’entre à l’intérieur, en enjambant les cadavres des probables pères de familles ou petits amis adorables qu’on vient de cribler de balles comme des chiens. C’est pas les premiers et ça sera pas les derniers, je me contente juste de plus y penser. Je lève mon FCW, surtout pour profiter de la lampe-torche : L’accident a provoqué un remue-ménage monstrueux là-dedans. Panneaux arrachés. Colis éventrés. Je dois Fouiller dans ce bordel immense. Je sais ce que je cherche.
Et pendant que je m’applique, on me déconcentre en parlant dans mon oreille.
« Mmh… Pas normal ça...
– Qu’est-ce qui se passe, Superviseur ?
– Le drone détecte une colonne de cinq SUV noirs qui sont sortis de Brooklyn Park… Mais c’est pas la police d’État du Maryland…
– Ils viennent vers nous ?
– Nous ne savons pas encore. Dépêchez-vous d’exfiltrer.
– C’est pas à moi qu’il faut dire ça, Superviseur. »
Alors que je m’agenouille pour tenter de lire le plus vite possible les tag-codes des boîtes métalliques renversées dans un capharnaüm monstrueux, j’entends une voix communiquer avec moi. Une voix silencieuse, comme de la télépathie.
***
__LowKey7/ : Vole tout ce que tu peux. Il faut faire passer ça pour un simple cambriolage.
Clo-LeMans : Les débiles aux gros bras s’en occuperont.
__LowKey7/ : Ton cœur bat à 120. Quelque chose ne va pas ?
Clo-LeMans : RAS.
__LowKey7/ : T’es en plongée, t’as besoin de ralentir ton cœur. Tu veux que je joue de la musique pour te calmer ? J’ai téléchargé le nouvel album de Kiddie-Hex pour toi.
Clo-LeMans : Tu sais ce qui me calmerait vraiment ? Que tu regardes pas à travers mes yeux pendant que je cherche une arme super-secrète au milieu de cadavres alors que des SUV blindés se dirigent vers nous.
__LowKey7/ : C’est rien que t’aies pas déjà vécu par le passé.
Clo-LeMans : Le Boss est avec toi ?
__LowKey7/ : Pas que lui. Tout le monde est là. On a même le Commissaire Défense-Sécurité ici.
Ton cœur vient de monter à 130.
Clo-LeMans : Tu fais chier.
***
Je trouve ce que je cherchais. Une sorte de valise. Impossible à ouvrir : Serrure, à clé, old-school. Je pourrais la faire fondre, mais trop peur de brûler ce qu’il y a à l’intérieur. L’important c’est de pouvoir tagger le colis. Tout correspond. Entreprise Japonaise dans la crypto-sécurité, nouvelles technologies, implants cybernétiques. Commande pour la Société Militaire Privée « Whiteshark Inc. » C’est quand même fou que les SMP soient mieux équipées que l’armée américaine, mais enfin, ça va maintenant faire trente ans que les GI’s se cassent de tous les pays du monde où ils avaient des bases et qu’ils fondent les budgets, logique que ce soit des types du privé qui prennent la relève avec de juteux contrats. Enfin. On aura accomplit une belle affaire d’espionnage industriel ce soir. Nos entreprises à la ramasse vont pouvoir à nouveau faire de la rétro-ingénierie pour rattraper leur retard. C’est comme ça que ça marche, une guerre froide, faut un équilibre, sinon c’est plus de la guerre froide.
La lacrymo est suffisamment dissipée. Je rouvre mes poumons.
« J’ai ce qu’il faut. Venez embarquer du matériel. »
Le lieutenant et Speranza rentrent à l’intérieur avec leurs sacs de gym. Ils se mettent à éventrer les colis et prendre tout ce qu’ils peuvent comme des sauvages : Tout un tas de puces, de cartes-mères, de bidules et de machins technologiques qui se vendraient une fortune sur le marché noir, mais c’est pas pour ça qu’on est là. On est juste là pour que le FBI ne conclue pas à une attaque des services Européens et juste qu’ils croient que des mafieux ou des gitans à la con ont attaqué un convoi sans savoir sur quoi ils allaient tomber. Coïncidence qu’une technologie ultra rare et ultra recherchée disparaisse. La faute à pas de chance. Et y aura pas de soucis pour la COP-55, tous les gros crétins représentants des gouvernements en faillite pourront se serrer la pince en costard tout en prétendant qu’ils aident l’environnement. Ça va faire depuis le début du XXIe siècle que ça marche comme ça, on change pas une recette qui perd.
***
__LowKey7/ : T’es dans le Delaware ce soir. Tu veux que je fasse une recherche pour des bars sympas ?
Clo-LeMans : On est pas encore sortis de là.
__LowKey7/ : Tu vas avoir quelques jours à tuer le temps que ça chauffe moins. Je voulais juste te rendre service.
Clo-LeMans : On va surtout se disperser aux quatre vents. Je loue une bagnole et je remonte jusqu’en Pennsylvanie dès qu’on est partis d’ici.
***
C’est super flippant d’avoir quelqu’un qui me parle dans mon crâne. Il arrête pas de me voir. Il me connaît par cœur. Il sait quand j’ai le cœur qui bat. Quel est mon rythme ventilatoire. Ma pression artérielle. Il me mesure en permanence. Il peut me faire voir des images de caméra de surveillances, me donner des informations en direct. C’est très pratique. Mais très déconcertant aussi. Il sait beaucoup trop de choses sur moi.
Une voix pulse dans nos oreilles à tous, à la radio.
« 1-1. Gros soucis. On a des véhicules qui arrivent.
– Quoi ?! Bordel… Préparez-vous.
Allez, on se tire. »
On ferme les fermetures éclairs des sacs de gym et on se casse, flingues à la main. Selon mon ATH, les véhicules que le drone a repéré sont en train d’approcher. Le polak et Acebes sont allongés dans l’herbe, devant la bande d’arrêt d’urgence, canons vers le convoi.
Des SUV noirs qui d’un coup, allument des gyrophares bleu-rouges qui alternent, et des sirènes. Je peux voir la chose en direct sur le drone avant même que Superviseur nous prévienne : Des types lourdement armés ouvrent les portes et se dispersent dans tous les sens. Et une voix hurlante par un porte-voix nous met en garde :
« This is Agent O’Connel with Homeland Security ! We have you completly surrounded and we will not hesitate to shoot you ! Drop your weapons and come out with your hands up high ! »
Schneider s’approche de ses gars et engueule les huiles qui doivent s’être tous collectivement chiés dessus, à 4000km de là, à Bruxelles.
« Putain de…
Superviseur, on a la putain de Sécurité Intérieure sur nous, on est grillés. Demande permission d’ouvrir le feu.
– Gott im Himmel… Restez en position et ne bougez pas, nous évaluons la situation.
– Bien reçu. »
Acebes entend ça. Il tourne sa tête comme une chouette et se met à hausser le ton tout en essayant de rester silencieux :
« Ils évaluent la situation ?! Y a quoi à évaluer ?! Ils sont en train de nous contourner, faut qu’on bouge !
– Du calme, 1-3, on attend les ordres.
– Eh bah j’espère qui y a pas un putain de lag pour les recevoir parce que je vous jure qu’on est tous à deux doigts d’y passer !
– C’est pas des contractors eux, c’est des agents fédéraux. Les retombées sont pas les mêmes s’ils tombent sur nous. »
Je vois deux choses en même temps. Je vois ce que mes deux yeux voient, et je vois ce que le drone dans le ciel peut voir. Et je vois comment une escouade de types lourdement armés sont en train de quitter l’autoroute, à pied, pour nous contourner dans la forêt. Je lève mon flingue, évalue la distance, sous mes yeux.
Je pourrais tuer l’un d’eux en tirant dans sa tête sans même le voir, avantage qu’aucun de mes compagnons n’a.
« 1-4. Nord-ouest, cent mètres, visez.
– Comment tu sais ça ?
– Demande pas, fait. »
Le polak grogne et m’obéit. Schneider vient de comprendre. Il remet sa main à l’oreille.
« Superviseur, je veux pas paraître emmerdant, mais si vous réagissez pas dans les quinze prochaines secondes on va être obligés de se rendre.
– Nous évaluons toujours la situation Sabre, restez prêts !
– Superviseur, sauf votre respect on- »
« This is Homeland Security, you are surrounded ! Show yourselves or we will not hesitate to use lethal force !
Come out or we drop all of you out ! »
***
Clo-LeMans : Comment la DHS est arrivée sur les lieux ? Ils sont pas censés être sur le putain de réseau ?
__LowKey7/ : Artemis a dû les louer.
Clo-LeMans : Comment une entreprise privée peut « louer » un service fédéral ?
__LowKey7/ : Donations. Lobbying. Le secrétaire à la Sécurité Intérieur est le gendre d’un des actionnaires du Consortium Alphabet-ADTRAN.
Clo-LeMans : C’est pas une explication suffisante. On a été grillés en beauté.
__LowKey7/ : Je vais faire des recherches, mais pitié, tiens bon.
***
Last chance ! I will not repeat ! You are all surrounded ! Surrender, surrender now ! »
« Superviseur, si vous agissez pas maintenant, j’agis, je-
– Danger rapproché. »
Le drone déverrouille un missile. Un magnifique Air-Sol dernier cri fabriqué par Nexter. Il le tire et l’envoie directement sur l’autoroute. Une boule de feu terrifiante soulève les voitures et pulvérise les policiers lourdement armés de la Sécurité Intérieure. L’Europe vient juste de commettre une agression sur le sol des États-Unis d’Amérique.
« Autorisés à faire feu.
– Au diable la discrétion, PUTAIN ! »
Je tire sans avoir besoin de viser. Un des types en face est immédiatement percuté par la balle de mon fusil et s’écrase à terre, raide mort. Les équipes Sabre se mettent donc à tirer dans tous les sens, un peu dans le vide. En face les gars lourdement armés de la DHS tentent de riposter. Ils criblent notre SUV volé de balles de 5,56, mais aucune ne traverse. Ils doivent être au moins une dizaine sur le carreau, avec leurs véhicules qu’ils crament. Ils se replient en hurlant et en criant des insultes.
« La police d’État du Maryland converge vers votre position.
– Quoi ?! Roh, un PUTAIN de MISSILE qui s’écrase sur les States c’est plus important qu’une banlieue chaude ?!
– Cela suffit, 1-3 ! On va couper à travers la forêt ! Sabre, avec moi, 1-4, surveillance sur les arrières, 1-2 avancez !
– À vos ordres ! »
Le polonais tire sur les fuyards, tandis que Speranza se lève et coure le plus vite possible vers les décombres du camion, canon en l’air, crosse contre l’épaule. Il franchit les décombres, les cadavres des agents d’Artémis, et disparaît dans les bois. Une fois qu’il a atteint la sécurité de la forêt de sapins, je cours le rejoindre, puis c’est au tour du lieutenant, d’Acebes, et enfin de Wasz’.
« De nouveaux SUV de la Sécurité Intérieure viennent de rejoindre l’autoroute. Semez-les.
– Bien reçu ! Allez les gars, on disparaît, Christ avec Nous ! »
Il a intérêt, cet enfoiré. Parce que là on coupe à travers des bois et des marais. On sprinte comme des fous, j’entends les souffles de mes camarades. On dirait ces entraînements de survie auxquels j’ai dû participer. C’est trop simple pour moi, avec mon second souffle, avec mes jambes en titane et niobium, et mes yeux qui découvrent les ronces d’arbres que je dois enjamber avec un petit saut avant même que mes mollets en approchent. Pourtant, je fais gaffe à ne pas dépasser 1-2 : C’est lui qui ouvre la voie dans ce ballet. On est tous armes à la main, crosse contre l’épaule, à essayer d’avoir un fusil braqué dans chaque angle pour qu’absolument personne ne nous tombe dessus.
« Multiple contacts de là où vous allez émerger. Ne transformez pas cet endroit en guerre civile.
– Je crois que c’est légèrement trop tard pour ça, Superviseur. »
On traverse une route vide. On entend les sirènes de polices dans toutes les directions. On vient de faire un truc impressionnant. Le serpent est réveillé, et il essaye de nous enrouler. Il faut qu’on quitte son étau le plus vite possible.
On sort dans une petite banlieue des states. Maisons-lotissements charmantes, bien espacées, le long de routes en quadrillage copié-collé. On se colle à cinq en passant la clôture d’un jardin, et on se colle. Un chien nous aperçoit et se met à gémir : Le lieutenant dégaine son pistolet silencieux et lui tire immédiatement deux balles dans le museau pour qu’il ne se mette pas à aboyer contre les intrus que nous sommes.
On entend des sirènes de camions de pompiers. Des voisins sortent pour voir ce qui se passe. L’explosion du missile a dû réveiller tout le monde.
On passe de maison en maison. On saute de clôture en clôture, sous le couvert de la nuit.
Et puis il y a quelqu’un qui nous aperçoit à une fenêtre. Une vieille, qui fait les gros yeux. Pas aussi simple à abattre qu’un chien.
« Fait chiiieeer... »
On la voit se terrer sous sa fenêtre en sortant son téléphone. Le lieutenant soupire.
« Allez, on continue les gars ! »
On se met à sprinter sans même chercher à être à couvert directement dans la rue.
« Appel d’urgence au comté de Elkridge. Vou-
– Merci, on est au courant Superviseur ! »
On sprinte comme des poulets sans tête. On cherche quoi ? N’importe quoi. Un véhicule, mais les routes doivent pulluler de flics. Un coin où se planquer : mais nos efforts pour semer à travers la forêt viennent de se révéler vains. Alors on continue de courir, jusqu’à ce qu’on trouve bien une opportunité.
Une voiture de police fonce vers la route sirènes hurlantes. Le polonais lève son fusil et tire une rafale qui traverse la vitre. Le flic conducteur enclenche la marche arrière et fuit, ce qui empêche pas à 1-4 de faire feu à nouveau, couvrant notre sortie.
On passe à travers les maisons. On débouche devant un Walmart fermé, des planches de bois recouvrant toutes les fenêtres. Le parking est trop grand. Des bagnoles du comté du shériff et des SUV sérigraphiés « HOMELAND SECURITY » se mettent à sortir de tous les côtés, et on se retrouve dans une fusillade qui demande tous nos réflexes et notre coordination quasi-silencieuse, pour aller de voiture garée en voiture garée, de bosquet en colonne en béton derrière laquelle se mettre à couvert. On vide nos magasins, un par un, heureusement on a de la réserve.
« On va couper à travers le Walmart, Luciole ! »
Je m’approche d’une des planches en bois. Poing fermé. Je défonce sans aucun problème une des planches en bois et me jette à l’intérieur. Je me retourne, pointe mon flingue, et me met à tirer. Je tue un des agents de la DHS – pas lourdement armé lui, juste avec son blouson bleu qui l’identifie. 1-2 entre à l’intérieur et fonce vers l’arrière du magasin pour ouvrir une sortie. 1-1 bondit après et m’aide à couvrir les gars. 1-3 fonce et va rejoindre 1-2. Le polonais quitte le parking sous ma couverture, et
***
Analyse des capteurs de Santé en cours...
– Sabre 1-4 : CCH. Jacek Waszczykowski
Des balles fusent de gauche et de droite. Il est prit en enfilade. Il titube en avant, crie. S’effondre à terre. Roule. Schneider crache de rage.
« Fait CHIII-ER ! On a perdu Jacek ! »
Il aimait bien le rap Hongrois. Il avait une sœur. Il votait extrême-droite. Il adorait manger de la glace. Il s’appelait Jacek et il avait 25 ans.
Il faut pas y penser, et le laisser hanter mes nuits. Là, je dois surtout me concentrer à m’en sortir vivante.
Je sors un composé électronique de ma ceinture. Je le colle au trou de la fenêtre. Immédiatement, un bouclier translucide se déploie. Les balles ricochent contre. Ça fera pas long feu, juste le temps pour nous de se casser illico. De traverser les allées vides et les comptoirs depuis longtemps vidés d’un magasin abandonné. On contourne, sort de l’autre côté : La porte est déjà grande ouverte et on entend des tirs.
« NOUS ATTENDEZ PAS, TRAVERSEZ LA ROUTE ! »
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Analyse des capteurs de Santé en cours…
– Sabre 1-2 : ADC. Dario Speranza
Speranza s’écrase au sol en grimaçant, derrière une vieille Suzuki. Il se soulève et vide une rafale en criant, tandis qu’Acebes lui tire le vêtement et le met derrière quelque chose de plus solide pour être protégé.
Y a des flics partout. Devant, derrière.
« Luciole, trouve nous une bagnole, on va couvrir ! »
Je regarde autour de moi, sur le parking. Le problème d’une voiture, c’est que c’est un putain d’emmental : tout traverser au travers, même des balles de pistolets. Je jette mon dévolu sur une vieille berline 4 portes économique. Je défonce la vitre et entre à l’intérieur, me jette sur le siège passager, couchée, et tente d’allumer le contact en dépouillant les fils.
Tout autour de moi, ça tire dans tous les sens.
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Analyse des capteurs de Santé en cours…
– Sabre 1-1 : LTN. Hans Schneider
– Sabre 1-2 : ADC. Dario Speranza
Schneider se jette sur la banquette arrière en grimaçant. Il fout du sang partout. Il se lève, et tire directement à travers la fenêtre, tue je ne sais pas combien de députés du shériff. Acebes arrive, en tenant Speranza qui a jeté son fusil d’assaut, n’utilisant qu’un pistolet pour tirer un peu au hasard. Il le pose sur la banquette arrière, claque la porte, puis se jette sur le capot pour glisser et aller sur le siège à côté de m-
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Analyse des capteurs de Santé en cours...
– Sabre 1-3 : SCH. Pío Acebes
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Une balle traverse le crâne d’Acebes. Des morceaux giclent sur le pare-brise et il tombe, la tête ouverte, les yeux exorbités, juste devant mon visage.
« Y PENSE PAS LUCIOLE, ROULE ROULE ! »
J’enclenche la marche arrière et met le pied au plancher. Le corps d’Acebes glisse sur le capot et s’écroule par terre. Je fonce en arrière. Un agent de la DHS est en train de tirer avec son revolver. Il est happé par le coffre, et écrasé contre une bagnole du comté du shériff. Je force, les roues crissent sur le sol, et le pauvre agent a l’intérieur de son corps broyé. J’enclenche la première et fonce, alors que la voiture est traversée de tous les côtés de tirs. Je tourne violemment le volant, force une ouverture hors du parking.
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Analyse des capteurs de Santé en cours…
– Sabre 1-1 : LTN. Hans Schneider
– Sabre 1-2 : ADC. Dario Speranza
– Sabre 1-5 : « Agent Luciole »
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Une balle me traverse le cou. Je la sens. Du sang entre dans ma gorge. Ma vision se brouille. Mais pas juste des mouches devant les yeux : Tout part en couille, comme quand vous donnez un coup de poing dans votre écran de télévision. J’ai des chiffres qui apparaissent devant les yeux, des lignes de code qui sautent. Je vois plus rien, l’ATH s’emballe… Et c’est moi qui conduit.
Je tente en grimaçant, tant bien que mal, d’éviter les obstacles, tout en me baissant sur mon siège. C’est la merde.
« Danger rapproché. »
Le deuxième et dernier missile du drone est déclenché. Et une toute petite ville américaine tranquille est enflammée derrière nous.
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Clo-LeMans : Je t’en supplie
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Clo-LeMans : Me laisse pas seule
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Je roule aussi vite que possible. J’ai enclenché la sixième : Heureusement que je suis tombé sur la seule putain de voiture américaine qui ait un boîtier manuel et pas automatique. Je serre les dents. Je gémis. Le lieutenant et l’adjudant-chef derrière sont en train de gémir, l’adjudant en l’occurrence va jusqu’à pleurer en tapant dans le siège. Ils saignent tellement. Une traînée de flammes nous suit derrière.
Il y a un véhicule qui fonce sur la voie de gauche. SUV Noir, comme tous les véhicules de la DHS. Sauf qu’un détail me frappe : Celui-là n’a pas de gyrophares. Les vitres complètement teintées. Il sort de la route, et se jette tout droit sur nous.
Je ne peux rien faire. Je n’ai aucun moyen d’anticiper. Je tente bien de freiner au dernier instant, mais le véhicule s’en fiche : Il tourne adroitement, et nous renverse. La berline 4 portes dans laquelle nous somme se tourne et fait une gigantesque sortie de route.
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Analyse des capteurs de Santé en cours…
– Sabre 1-1 : LTN. Hans Schneider
– Sabre 1-2 : ADC. Dario Speranza
– Sabre 1-5 : « Agent Luciole »
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Je bats les yeux. Mon système est en train de redémarrer. C’est vraiment pas le moment. Mon bras en titane veut plus bouger. Mes jambes non plus. Mes yeux sont fixés en position, ils s’assèchent. Je peux juste battre des cils, un peu les lèvres, les quelques rares endroits où je ne suis pas pleine d’implants. Vous savez quand votre PC veut pas redémarrer, freeze, et que vous vous énervez ? Moi c’est ça. Sauf que je suis prisonnière de mon propre corps.
Le SUV ouvre ses quatre portes, et quatre gugus lourdement armés en sortent. Quatre types avec fusils d’assaut tacticool, visées lasers et silencieux et tout le toutim. Habillés tout en noir, masque à gaz, plastrons haute protection. Ils ont un petit drone volant qui les accompagnes. Rien pour les identifier, pas un drapeau, pas un brassard. C’est ou des agents secrets, ou des putains de mercos. Vu comment ils parlent très fort dans leurs radios, je penche plutôt pour le second.
« Good hit, Central, good hit. We’ll look for the suitcase.
– Understood. Proceed with extreme prejudice. No survivor. »
Ils vont me buter. Vous avez pas besoin d’avoir un niveau anglais B2 pour comprendre, vous aussi. Je me maudis de pas être croyante – ça serait exactement le bon moment où j’aurais bien besoin de Jésus. Pourquoi mon système se met à jour ? Est-ce que c’est le moment ?
Un des types de l’escadron de la mort arrive devant la voiture. Il se penche. Je l’entends frapper le crâne de Schneider avec sa botte. Il s’approche du siège conducteur. Il m’aperçoit cligner d’un œil. Il sort son pistolet, le pointe contre ma tempe-
-et là mon système me laisse enfin réagir. Je pousse le canon de son flingue contre l’habitacle, et lui broie net la main. Il hurle. Je défais ma ceinture, et tombe alors contre le toit de la voiture. Je le jette à l’intérieur, lui casse les verres de son masque à gaz contre le volant, le force à entrer à l’intérieur. Je lui brise la main, et le retourne.
Ses trois compères ouvrent le feu comme des cowboy. Les balles fusent. L’une traverse mon pied. Ça découpe les sièges, l’intérieur cuir, la carcasse plastique de la berline, mais surtout, ça entre dans la masse de chair et de morceaux pare-balles de leur copain envers lequel ils ont pas beaucoup d’égard. Je charge de quoi m’aider. Mon dos s’ouvre. Mon épine dorsale déchire mon sweatshirt, me découvre mon armature métallique. Je tire des grenades aveuglantes qui détonnent toutes en même temps.
Je surgis en tirant le flingue du holster du mercenaire que j’ai massacré. Je me jette dehors. Je vise l’un d’eux et lui tire une balle dans le crâne, net. Je me jette en avant. Ma main gauche se plie, et découvre une lame en acier trempé que j’enfonce à travers la gorge d’un troisième type dans un geyser de sang. Quatrième gars tire comme un fou. Les balles me traversent, déchirent des morceaux de métal de ma carcasse, détachent des câbles et font sauter des vis, en même temps qu’il fait couler du sang. Il me découvre pour ce que je suis, vêtements arrachés, peau découverte : Un monstre qui est entre l’humain et la machine. Une anomalie. Une anomalie qui n’a maintenant plus aucune inhibition à se découvrir, à arracher ses membres pour afficher son acier. Je me jette sur lui, ouvre grand mes dents renforcées, et lui arrache la jugulaire en le chevauchant.
« Monsieur le commissaire, le cargo est toujours en notre possession. L’Agent Luciole est en vie.
– Ramenez-la ici.
– Luciole, écoutez-moi. Vous pouvez m’entendre ? Luciole… On va vous exfiltrer du pays.
Luciole ? »