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Un observateur attentif aurait remarqué chez le lieutenant Galate une manie qui n’existait pas (ou quasiment) chez les autres pilotes d’aéronef de la marine : celle de pianoter sur le tableau de bord, de piétiner de la semelle sur le carré translucide du plancher qui se trouvait au niveau de ses pieds, ou encore de donner de brefs à coups de la tête dans le vide. Il y avait plusieurs raisons à cette gestuelle singulière : non seulement la jeune femme était une véritable pile électrique aussi capable de rester en place qu’un félirex domestique d’arrêter ses conneries, mais encore elle avait troqué son micro-vox pour ses écouteurs personnels. La musique hurlait dans ses oreilles un rythme endiablé qui correspondait à sa façon de croquer la vie, tout en ayant l’inestimable avantage de couvrir les vacheries que von Siskoye s’acharnait à leur vomir à la tronche par radios interposées.
Elle en était même à articuler silencieusement le refrain déchaîné de son groupe du moment lorsqu’elle surprit le regard torve que son navigateur, en la personne du capitaine Radja, lui jetait en coin. Sa bouche se referma avec un bruit coupable de poisson hors de l’eau et elle fit mine de se re-concentrer sur son pilotage.
En fait, Kaitlyn n’avait jamais été inattentive. Elle en était arrivée à ce point de pratique – agrémenté d’un soupçon de talent naturel – que pour les autres la spartiate pouvait très bien donner l’impression de n’avoir rien à carrer de l’aéronef, tout en ayant une conscience très précise de l’état actuel de son appareil. Ses yeux ne délaissaient jamais bien longtemps les écrans de contrôle de ses senseurs, vigilante quant aux moindres anomalies de basses ou hautes fréquences qui dénonceraient la présence d’un chasseur ou d’une créature comme le Chaos seul en avait le secret. De la même façon elle demeurait à l’affût de l’écran qui lui transmettait les échos entrants, ce qui laisserait à penser qu’un système ennemi serait en train de scruter la Valkyrie.
Et puis, elle avait un autre atout dans la manche. Ou plutôt dans les cervicales, implanté à même l’épais amas neural qu’elles protégeaient.
Une unité d’impulsion, incrustée aux nerfs et reliée à un filament synthétique qui s’enroulait autour des fibres organiques. Cette extension ressortait actuellement de l’iris couleur chair qu’elle avait à la base de la nuque et faisait le tour de sa poitrine, se glissait dans la manche et venait discrètement se greffer aux commandes du véhicule : il s’agissait d’un dispositif extrêmement rare et coûteux, jalousement conservé par les prêtres de Mars, une interface privilégiée entre l’Homme et la Machine. En un sens, Kaitlyn faisait plus que piloter la Valkyrie : son esprit courait librement entre ses circuits, et elle ressentait le fuselage presque comme s’il s’était agi de son propre épiderme. Les écrans qu’elle faisait mine de consulter auraient tout aussi bien pu être éteints, elle s’en serait pas mal moquée.
De telles augmentations n’étaient pas foncièrement interdites parmi les populations impériales, mais elles étaient bien assez singulières pour soulever des interrogations auxquelles l’aviatrice n’avait pas envie de répondre.
D’autant plus qu’elle n’était pas la seule dont bénéficiait la métisse, et les avis quant au cybernétisme étaient à peu près aussi variés dans l’Imperium que l’étaient les rayures d’une orchidée de Lacèdes.
« Bon alors. Quel est le plan ? » lança-t-elle soudain en pressant l’embout émetteur de son vox contre les lèvres, espérant détourner l’attention de son co-pilote vers un sujet autre que son manque de professionnalisme sur le fauteuil de pilotage. « Je vous lâche pas au-dessus du spatioport même, si ? »
Dans sa petite tête de bourgeoise aventureuse Kaitlyn ne se voyait absolument pas mettre le plus petit orteil sur le plancher des vaches. Elle tirait à la carabine avec la précision d’un cheval bourré, et puis mettre le nez hors de son habitacle climatisé n’avait jamais franchement fait partie du contrat opérationnel qu’elle s’imaginait avoie signé. Son détachement de la marine vers les régiments terrestres ne lui était apparu que comme l’occasion parfaite de parfaire ses compétences au maniement de petits aéronefs, et rien de plus.
Un coup d’œil par-dessus son épaule appuya la question qui venait de résonner dans toutes les oreillettes. C’était un spectacle cocasse que tous ces combattants entassés dans le ventre de la Valkyrie, chacun dans son carcan métallique semblable à ceux des antiques manèges de Terra et qui les maintenait solidement harnachés pour la durée du vol. L’une des militaires portait des entraves et paraissait bien petite, à la voir ainsi sévèrement encadrée par deux des soldats de Krieg. Elle se demanda quelle connerie l’intéressée pouvait avoir eu l’idée de faire pour se retrouver dans ce genre de configuration : Watson, son fidèle cervo-crâne médicalisé évidemment insensible aux quelques soubresauts de la carlingue, lui tournait autour dans un discret sifflement robotique.
« Remarquez, moi à votre place, ça me dérangerait pas » reprit-elle en se retournant d’un air suffisant. « On est comme ça, nous les Spartiates. On craint rien ni personne et sûrement pas le danger ! C’est presque con que je vous accompagne pas, mais si vous vous préparez bien ça devrait le faire, y a pas de raison. Pas vrai mon capitaine ? »
Elle en était même à articuler silencieusement le refrain déchaîné de son groupe du moment lorsqu’elle surprit le regard torve que son navigateur, en la personne du capitaine Radja, lui jetait en coin. Sa bouche se referma avec un bruit coupable de poisson hors de l’eau et elle fit mine de se re-concentrer sur son pilotage.
En fait, Kaitlyn n’avait jamais été inattentive. Elle en était arrivée à ce point de pratique – agrémenté d’un soupçon de talent naturel – que pour les autres la spartiate pouvait très bien donner l’impression de n’avoir rien à carrer de l’aéronef, tout en ayant une conscience très précise de l’état actuel de son appareil. Ses yeux ne délaissaient jamais bien longtemps les écrans de contrôle de ses senseurs, vigilante quant aux moindres anomalies de basses ou hautes fréquences qui dénonceraient la présence d’un chasseur ou d’une créature comme le Chaos seul en avait le secret. De la même façon elle demeurait à l’affût de l’écran qui lui transmettait les échos entrants, ce qui laisserait à penser qu’un système ennemi serait en train de scruter la Valkyrie.
Et puis, elle avait un autre atout dans la manche. Ou plutôt dans les cervicales, implanté à même l’épais amas neural qu’elles protégeaient.
Une unité d’impulsion, incrustée aux nerfs et reliée à un filament synthétique qui s’enroulait autour des fibres organiques. Cette extension ressortait actuellement de l’iris couleur chair qu’elle avait à la base de la nuque et faisait le tour de sa poitrine, se glissait dans la manche et venait discrètement se greffer aux commandes du véhicule : il s’agissait d’un dispositif extrêmement rare et coûteux, jalousement conservé par les prêtres de Mars, une interface privilégiée entre l’Homme et la Machine. En un sens, Kaitlyn faisait plus que piloter la Valkyrie : son esprit courait librement entre ses circuits, et elle ressentait le fuselage presque comme s’il s’était agi de son propre épiderme. Les écrans qu’elle faisait mine de consulter auraient tout aussi bien pu être éteints, elle s’en serait pas mal moquée.
De telles augmentations n’étaient pas foncièrement interdites parmi les populations impériales, mais elles étaient bien assez singulières pour soulever des interrogations auxquelles l’aviatrice n’avait pas envie de répondre.
D’autant plus qu’elle n’était pas la seule dont bénéficiait la métisse, et les avis quant au cybernétisme étaient à peu près aussi variés dans l’Imperium que l’étaient les rayures d’une orchidée de Lacèdes.
« Bon alors. Quel est le plan ? » lança-t-elle soudain en pressant l’embout émetteur de son vox contre les lèvres, espérant détourner l’attention de son co-pilote vers un sujet autre que son manque de professionnalisme sur le fauteuil de pilotage. « Je vous lâche pas au-dessus du spatioport même, si ? »
Dans sa petite tête de bourgeoise aventureuse Kaitlyn ne se voyait absolument pas mettre le plus petit orteil sur le plancher des vaches. Elle tirait à la carabine avec la précision d’un cheval bourré, et puis mettre le nez hors de son habitacle climatisé n’avait jamais franchement fait partie du contrat opérationnel qu’elle s’imaginait avoie signé. Son détachement de la marine vers les régiments terrestres ne lui était apparu que comme l’occasion parfaite de parfaire ses compétences au maniement de petits aéronefs, et rien de plus.
Un coup d’œil par-dessus son épaule appuya la question qui venait de résonner dans toutes les oreillettes. C’était un spectacle cocasse que tous ces combattants entassés dans le ventre de la Valkyrie, chacun dans son carcan métallique semblable à ceux des antiques manèges de Terra et qui les maintenait solidement harnachés pour la durée du vol. L’une des militaires portait des entraves et paraissait bien petite, à la voir ainsi sévèrement encadrée par deux des soldats de Krieg. Elle se demanda quelle connerie l’intéressée pouvait avoir eu l’idée de faire pour se retrouver dans ce genre de configuration : Watson, son fidèle cervo-crâne médicalisé évidemment insensible aux quelques soubresauts de la carlingue, lui tournait autour dans un discret sifflement robotique.
« Remarquez, moi à votre place, ça me dérangerait pas » reprit-elle en se retournant d’un air suffisant. « On est comme ça, nous les Spartiates. On craint rien ni personne et sûrement pas le danger ! C’est presque con que je vous accompagne pas, mais si vous vous préparez bien ça devrait le faire, y a pas de raison. Pas vrai mon capitaine ? »